Le duo Agar Agar c’est Clara & Armand. Elle avec sa voix puissante et sensuelle, lui aux machines, ils nous livrent cette synth-pop entremêlée d'une acid disco survoltée, qui raisonne dans nos têtes avec une fraîcheur indiscutable. J'ai eu la chance de parler au duo à leur arrivée à Montréal avant leur tout premier concert en Amérique du Nord. Nous avons discuté du premier extrait de leur nouvel album Fangs Out, ainsi que du vidéo-clip, leurs inspirations et pourquoi ils ont choisi de chanter en anglais pour ce projet.
C’est votre première fois en Amérique du Nord, et le spectacle de ce soir est sold out, avez-vous hâte?
Armand: Ça fait vraiment plaisir d’arriver dans un endroit où nous n’avons jamais joué et de voir qu’il y a autant de gens qui veulent nous voir. C’est très touchant!
Clara: Ouais, c’est trop bien, et on a hâte de jouer! En plus, la salle elle est trop belle!
Je veux parler de la chanson Fangs Out et surtout du video clip, comment êtes-vous arrivés avec le concept de réalité virtuelle?
A: J’ai rencontré le réalisateur du clip, William Laboury, parce qu’on aimait bien ses films et qu’on avait envie de travailler avec lui. Du coup, l’idée de réalité virtuelle est venue en discutant avec lui. C’est venu assez naturellement je pense, dans le sens que ca permettait de - en fait, on s’intéressait déjà pas mal à l’esthétique de la modélisation 3D, et ça nous permettait de rentrer un peu la dedans.
C: On est des grands fans des Sims, haha!
A: Ouais, des Sims. Enfin, bref, d’un esthétique Playstation 2 qui nous entoure et qui fait partie de notre génération à tous en ce moment. On a tous vu ces images, et on a tous baigné dans ces jeux. Même si on a pas trop jouer, je sais pas, il y a quelque chose qui nous marque un peu la dedans, donc on aime bien travailler avec ça. C’est assez génial! Ce qui nous a séduit avec l’idée de VR, c’est que ça ouvre une perspective sur la perception d’une manière générale, donc le vidéo est un peu une porte de la perception à la VR. Ça peut se reprocher au genre psychédélique ou c’est vu comme un rêve ou comme la chose qui nous fait sortir de ce qu’on appelle le réel qui est en fait seulement un autre réel! Justement, l’idée du clip c’est de mélanger tout ça et à la fin d’arriver à ce truc ou finalement savoir ce qui est réel ou ce qui ne l’est pas n’a plus d’importance. Bref, c’est plus une métaphore pour parler de réalités alternatives.
Et j’imagine que tu (Clara) as écris les paroles, comment as-tu pensé à ce concept?
C: En faite, ce que j’ai vu au début dans ma tête, c’est le passage dans Edward aux mains d’argent où toutes les femmes du quartier se font une coupe de cheveux à l’aide d’Edward, alors elles ont toutes des coupes de cheveux rocambolesques. Et puis elles habitent dans un patelin où la pelouse est tondue parfaitement, et les arbres ont des formes dignes, et où tout est beau et très coloré et lisse. J’imaginais en fait qu’un gros chien arrive et mord dans tous les silicones, dans le sens silicone tout est daronne, et voilà c’est partie de là. Du coup, j’ai écris par rapport à cette image que j’avais dans la tête.
Comme c’est le premier extrait de votre album, que pouvez-vous me dire à propos de l’album?
A: Qu’il est en construction, et aussi qu’il va être assez éclectique, je pense!
C: Oui, il y a beaucoup de choses différentes. Il y a des morceaux qu’on a composé il y a déjà un an qu’on va mettre dans l’album parce qu’on ne les a pas sortis. Il y a un lapse de temps assez gros dans les compos. T’as des trucs qu’on a composé il y a quelques mois qu’on aurais peut-être pas composé aujourd’hui dans notre mentalité actuelle, donc ça diffère.
A: C’est des morceaux qui parlent de pleins de moments différents de notre vie, de cette dernière année, par exemple, et il y a des morceaux qui on été composés vraiment en pensant seulement au concert. On s’est dit qu’on allait créer tel moment dans le concert, qu’on voulait déclencher telle chose chez les gens. D’autre morceaux, au contraire, où on a une réflexion beaucoup plus studio, où on imagine plus quelqu’un l’écouter dans leur salon ou dans ses écouteurs. Du coup, ça crée des morceaux différent selon la manière dont nous l’imaginons. Il n’y a pas une unité forte dans les histoires qu’on raconte, mais par contre, en termes de sonorité, ça reste globalement notre recette.
Dans une entrevue, vous avez dit que vous écriviez “in Shakespeare’s tongue”, est-ce que la poésie et la littérature inspirent les paroles?
C: La literature Américaine m’a beaucoup inspirée, surtout John Fante. J’ai beaucoup lu de John Fante en anglais et ça m’a permis d’écrire beaucoup de textes parce que ça m’a ouvert des portes sur cette langue là, qui n’est pas du tout native chez moi et que j’ai appris en étant hyper jeune. Du coup, c’est intéressant. J’écris et j’arrive à créer et à exprimer des choses dans un langage qui ne m’est pas propre et qui pourtant me parle beaucoup. C’est un grand plaisir en fait, j’adore!
A: Je trouve qu’il y a quelque chose qui dépasse les barrières de l’expression.
C: J’écris des choses plus bizarres en anglais!
A: Tu vois, dans ta langue maternelle, tu utilises la langue pour communiquer tout les jours, donc il y a des codes qui s’installent dans la manière dont tu t’adresses. C’est une langue utile. C’est vrai que se distancer d’une langue utile et de prendre une langue que tu n’utilises pas tous les jours, ça te libère.
Vous avez étudié en art tous les deux, avez-vous un grand contrôle sur tout le visuel du projet?
C: Le visuel, je pense, fait partie intégrante de notre création, globalement. On pense toujours visuellement et musicalement, donc c’est un monde qui est assez complet. Tout est important pour nous.
A: On fait attention à chaque petit detail sur l’aspect visuel.
C: On ne pourrait jamais déléguer cette tâche là à quelqu’un qui ne nous correspond pas.
A: Par contre, pour le petit visuel de Fangs Out, et pour le clip, on a travaillé avec des gens. Ce n’est pas nous qui avons tout fait. Nous avons mis en page le visuel à partir d’images que quelqu’un d’autre a fait, mais ce n’est pas nous qui avons tout fait. On a travaillé avec des gens qu’on aime beaucoup artistiquement, et avec qui on s’entend bien.
C: Mais toute la direction artistique, c’est nous qui la créons majoritairement!
Es-ce qu’il y a des artistes qui ont inspiré le son de l’album?
C: Ah, et bien, plein! Moi, je suis très inspirée par Ariel Pink, dans sa manière de créer, dans sa spontanéité, dans sa folie. Je l’admire vraiment beaucoup!
A: Dans la sonorité, je pense qu’il y a beaucoup d’inspirations assez 90’s. En fait, de plus en plus de type LFO, avec le synthé on pourrait aussi dire le disco, mais c’est beaucoup moins présent dans l’album. Aussi, aller chercher des trucs avec des grosses bass line. Du coup, on va taper un peu partout. Je pense que c’est comme ça que ça fonctionne en général dans la création, fabriquer avec tout ce que tu as vu qui vient faire un mélange que même toi t’as du mal à décrire. Je me dis, je suis content car j’ai l’impression que quand on arrive là dans musique, quand on arrive au moment où tu te dis que ça ressemble suffisamment à plein de trucs différents, et donc ca ne ressemble pas à un truc que tu copie, c’est devenu ton propre truc. Du moment où tu n’arrives pas à décrire ton mélange, c’est bon signe.
Pour la dernière question, y-a-t’il quelqu’un avec qui vous aimeriez collaborer?
A: Il y’en a tellement! Mais je pense avec Ceephax Acid Crew. Il a l’air très le fun et j’ai vu des vidéo sur la manière dont qu’il compose et ça m'a beaucoup inspiré.
C: Moi, je pense avec Oneohtrix Point Never, mais il y en a plein d’autres!