Hubert Lenoir; une controverse pour certains, mais une révélation musicale et artistique pour d’autres. Tout droit de la ville de Québec, Lenoir est en train de conquérir la province peu à peu avec son premier album, Darlène. L’oeuvre musicale du livre Darlène par Noémie d. Leclerc, évoque une sonorité nouvelle e donne le goût de bouger. Enthousiaste et brillant à regarder en spectacle, Hubert est un rafraîchissement pour la musique «québécoise». Nous avons discuté avec l’auteur-compositeur lors des Francos de Montréal à propos de l’industrie musicale, de «airhorns» jamaïcains, de ses compositions et beaucoup plus!
L’album que tu as voulu créer initialement était seulement instrumental, pourquoi?
La première idée que j’ai eu, c’était de faire quelque chose avec des instrumentaux dessus. Mais après, les chansons se sont imposées un peu d’eux-mêmes.
Darlène a finalement pris un envol différent. Pensais-tu qu’autant de monde allais l’aimer?
C’est difficile à dire puisque lorsque tu produis un disque, tu ne sauras jamais la réception. Darlène n’est pas un disque facile à la première écoute mettons. Je me disais quand même qu'il se pouvait que personne n’aime ça. Tous les artistes sont confrontés à ça. Tout ce qu’on appelle l’industrie (le show-biz si on veut), la musique et l’art, ce sont des trucs qui vivent parallèlement complètement. Parfois, il y a des ponts qui se créent, mais des fois non. Après l’avoir réécouté, c’est un bon album et j'en suis fier.
Au début de la chanson Ton Hôtel, on y entend des «Jamaïcain Airhorns», un son qu’on retrouve souvent dans le hip-hop. Comment as-tu intégré ça dans la pièce?
C’est un bruit que j’entendais souvent, une sonorité qu’on entend un peu plus dans le hip-hop ou reggae dub. Je les ai entendu beaucoup dans des disques de rap, j’écoute quand même beaucoup de rap. Au départ, Ton Hôtel était sensé être plus reggae, mais elle ne sonne pas vraiment reggae maintenant. Avec cette idée-là en tête, c’était juste cohérent pour moi de mettre ce son-là.
C’est cool! Ils les utilisent souvent dans les live shows de rap aussi?
Oui c’est vrai! C’est un classique en Jamaïque! Ils font jouer de la musique et tout le monde dansent puis, il y a une pause où ce son-là embarque et tout le monde commence à crier. Pendant un moment, on le faisait en spectacle sur une application mobile, mais ça sonnait pas assez bien alors on cherche toujours un moyen de le faire en live. J'aimerais l'utiliser plus souvent, c’est vraiment cool comme sonorité. Je pense qu’au final, si tu regardes la musique dans des cases, dans des genres compartimentés, c’est sur que c’est difficile. Mais quand tu prends du recul et un regard global sur la musique, il y a tellement de liens que tu peux faire. Je ne veux pas me limiter à un seul style. Je pense qu’avec Darlène, j’ai beaucoup de recul face à ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire. J’essaie de ne pas tomber dans les exigences ou les «trends» musicaux. Je ne pourrais pas seulement faire du rap, du rock ou de la chanson québécoise.
Tu as composé le morceau Wild and Free pour le personnage anglais du livre (Darlène). Est-ce que les paroles te sont venues facilement?
Celle-là s’est faite étonnamment assez facilement. J’écris des textes quand même rapidement. J'ai corrigé des trucs après, mais c’était pas mal ça. C’est l'un des textes dont je suis le plus fier dans l’album. J’avais comme idée d’écrire une chanson comme celle de Wiz Kalifa et Snoop Dog; Young, Wild & Free. J’avais cette idée là, d’avoir un texte qui a l’air superficiel, un texte qui pourrait être pris et mis dans un «banger» de rap, mais le faire avec des sonorités plus jazz et douce qui porte à la rébellion.
Tu écoutais quoi quand tu étais jeune?
Je ne viens pas d’une famille artistique, alors je n’avais pas de père qui me présentait des trucs vraiment cool ou une mère qui me montrait ses vieux disques. J’écoutais n’importe quel «shit» d’un jeune de ma génération, comme Limp Bizkit ou je sais pas trop.
Est-ce que ça a inspiré la musique que tu fais aujourd’hui ?
C'est plus les sonorités que j’ai découvert à l’adolescence avec l’internet qui m'a inspiré. Ce qui est cool avec notre génération, c'est qu'on n’est pas associée à une décennie. On a des influences qui viennent de partout. C’est sur que pour Darlène, ce sont des influences directes de ce que j’écoutais dans cette période-là, comme du jazz et du soul des années 70. Après ça, j’écoute toutes sortes de musique. En ce moment, je n'écoute pas nécessairement la même chose qu'avant. J’ai eu ma phase et maintenant j’écoute autre chose. C’est sur que ça va influencer mes prochaines oeuvres, mais est-ce que Limp Biskit m’a influencé? Surement à un certain point. La culture de masse et de pop est dans mon ADN, j’ai grandi avec ça, comme avec la télé et l’internet. Malgré que je touche à l’avant-gardisme et à l’expérimental de temps en temps, j’ai toujours ça dans mon ADN et ça me suis. Je pense que ça va influencer à vie tout ce que je vais faire.
Comment décrirais-tu ta démarche artistique?
Ma démarche, c’est large. Je dirais que j’essaie d’être le plus libre possible. J’essaie de me remettre en question constamment et j’essaie en même temps d’embrasser la beauté des choses. La beauté au sens large aussi, c’est «fucking» subjectif. Aussi, j'essaie de ne pas m'identifier à des concepts pré-établis, à des modes, des courants. J'essaie d’être assez indépendant dans ce que je fais.
C’est important que tu restes vrai à toi-même dans ce que tu fais?
Oui et j’essaie de faire quelque chose de bon et de beau au final. C’est ce que je pense. J’ai juste un album de fait, alors peut-être que ça va changer.
Penses-tu pouvoir être la voix de la nouvelle génération au Québec?
Je sais pas, c’est difficile à dire. Je vois beaucoup de jeunes qui aiment ce que je fais et qui sont interpellés par ce que je dit, sois en entrevue, dans ma musique ou ce que j’incarne. Est-ce que c’est tout le monde? Je pense que tout le monde est different, je sais pas. J’aimerais au moins représenter un type de personne, mais en même temps, c’est ça qui est intéressant avec Darlène, j’ai l’impression que ça parle à beaucoup de types de monde. Ce n’est pas limité. Je ne voulais pas que ça parle à un groupe plus intellectuel mettons. Parfois, c’est ça qui arrive avec la chanson québécoise, même si j’aime pas le terme. Avec la musique québécoise, tu vas parler à un groupe plus spécifique de gens, je ne voulais pas que ça fasse ça. Il y a autant des filles de bars et de clubs qui trouve ça «sick», des gays, des queers, des hétéros, des «dudes» et juste du monde bien normal. Au final, j’ai côtoyé toutes sortes de gens alors je n'exclus personne, j’essaie de ne pas juger le monde.
J'ai écouté d’autres de tes entrevues et tu sembles être un choc pour la génération plus veille. Qu'est ce que le Québec doit changer selon toi?
Dans l’industrie, je pense qu’il y a «crissement» de choses à changer. Dans l’industrie du disque, il y a plein de monde qui font des choses vraiment géniales. Il y a des plus jeunes qui ont une vision ouverte, incroyable et que j’admire. Cependant, dans l’industrie, je pense que les hautes sociétés ou les institutions vivent comme ça en pensant qu’ils peuvent conserver un modèle de musique qui n’existe plus. Je n'ai même pas envie de leur dire parce que de toute façon, ils n'écoutent rien et au pire, ils vont mourir. De toute façon, j'ai vraiment le sentiment qu’on a de moins en moins de besoin des médias. Maintenant avec l'internet, tu as une connexion directe avec les gens qui écoutent ta musique à travers le monde. Ça ne m’inquiète pas vraiment. Après ça, si c’est pour la société québécoise, ça va devenir trop politique haha.
Tu le dis aussi dans tes shows. Par exemple à l’Astral, quand tu as dit qu’il y avait beaucoup de choses à changer.
Oui, je peux quand même en parler un peu, mais ça reviens au même. Mon message est assez clair. Je trouve parfois qu'on parle de la génération plus vieille ou au-dessus de nous, au propos de se faire imposer des concepts. Je trouve que dans le monde dans lequel on vit, les années passent très vite et tout change tellement vite. On vit dans une époque où je ne sais pas si c’est complètement excitant ou bien complètement terrifiant. C’est une époque bizarre et folle où je sens que tout est à refaire. Tout ce qu’on connais en ce moment est en train de s’écrouler. Je pense que la génération plus veille et les institutions qui disent à la jeunesse de ne pas changer se sentent brusqués. On devrait juste suivre ce qu’on pense. C’est ça qui est drôle avec le projet. Par exemple, quand je suis allé à La Voix, ça avait fait un scandale. J'ai senti que les gens voulaient que je me justifie face à ça, genre les grands médias. Je n'avais même pas envie de parler ou de me justifier. Je suis passé à Salut Bonjour pas longtemps après, puis ils m’ont demandé de m’expliquer. Au fond, je m’en «criss» de m’expliquer à Line qui écoute Salut Bonjour! Moi, je sais que le monde qui m’écoute et qui vienne me voir en spectacle savent, me comprennent. Genre vous, vous comprenez. Je n'ai pas besoin de m’expliquer sur le fait que je me met du rouge à lèvres. Je trouve que c'est une perte de temps, genre elle va mourir en m’haïssant.
Ce sont des conversations redondantes pour toi?
Ouais! Je ne pensais vraiment pas que mon passage à La Voix allait faire ça. Ensuite, à Salut Bonjour, j’était genre ok. Je ne refuserai pas d'aller à quelque part si c’est pour m’exprimer librement, mais à un moment donné, j'ai fait «woah». C’est pour ça que j’ai récemment annulé des apparitions dans les médias télévisuels plus traditionnel. Je ne veux pas non plus devenir le «freak show» pour que les gens réagissent, bien ou mal.
Finalement, à quel moment t'es tu senti le plus libéré ou le plus toi-même?
Je sais pas, je pense que c'est quand j'ai terminé Darlène. Quand j'ai vu le produit final, écouté au complet une fois, j'était quand même fier. Je me sentais bien et je souhaite à tout le monde de vivre ça!
Écoutez Darlène ICI
Allez le voir en spectacle!